1 - Un arrêt innatendu, à la croisée des Destins...

Admin Messages : 9 Date d'inscription : 02/10/2018

"Voyager, c'est partir à la découverte de l'inconnu. Et le premier inconnu à croiser nos pas, c'est souvent nous-même."
- Proverbe Sarcosien

Le bruit d'un choc sur du bois résonne à tes oreilles, te réveillant en sursaut. Ta tête cogne contre le plafond. Tu étouffes un grognement tandis que ton esprit engourdi met un instant de trop à sortir des brumes de l'étrange rêve que tu faisais et qui déjà s'enfuit, te laissant seul dans ce clair obscur de la cale de contrebande minuscule dans laquelle tu te trouves. Le bruit qui t'a réveillé résonne de façon rythmée, accompagné d'un clapotis égal. Tu réalises alors que vous êtes à amarrés. Mais où ? Un léger chuchotis d'une voix féminine parvient jusqu'à toi :
- "...Et surtout, ne bouges pas, Hethos (frère en langue gnome), je serais revenue bien avant que tu n'aies appris à compter."

La voix moqueuse et enjouée de Ludmilla, ta plus vieille et ta seule amie, t'apporte un peu de réconfort dans cette cache sombre et sale dans laquelle tu as passé la nuit.

A travers la coque épaisse du compartiment secret de cet esquif de contrebande gnome tu perçois vaguement un bruit de bottes sur un ponton, puis plus rien. L'écho des bottes de Jacen sur le pont à côté du moulin résonnent, t'offrant encore une de ces visions dont la douleur te hante depuis ce jour-là. La tête aux yeux morts de ton Père roule sur le sol. Tes mains tremblent quelques instants dans la pénombre. Décidant d'occuper ton esprit comme tu le peux, tu te remémores de ton voyage depuis ton départ du bois du Centaure.

Tu avais fini par trouver Ludmilla sur son trajet habituel au Nord. Tu avais été peiné d'apprendre que son Père avait rejoint ses ancêtres pendant l'Hiver. Malgré tout tu t'étais permis de lui soumettre ta requête. Une fois son mauvais caractère et son inquiétude exprimée dans un long sermon sur l'aspect suicidaire de ta destination et de ta quête, le grand cœur de la marchande gnome avait finalement capitulé devant ta résolution sans faille.

Et vous voilà maintenant, voguant tous deux le long des berges de l'Ardune. La traversée fut plus longue que prévu, mais avait eu l'avantage de ne pas attirer de soupçons des nombreuses patrouilles orques qui infestaient les rives du fleuve. Mais votre périple touchait bientôt à sa fin.

Borderen serait bientôt en vue, et une fois le droit de passage de la ville fortifiée acquitté, moins d'une semaine vous séparerez du port du promontoire de Baden. Ta destination. Ta destinée.

Est-ce donc à Borderen que vous avez fait halte ? Étrange, tu aurais imaginé plus de bruits. Et cette étape n'était prévue que d'ici deux jours... Mais peut-être était-ce juste une autre des nombreuses étapes dont la marchande t'avait malgré tout gratifié sur le circuit marchand de sa Famille, ou peut-être encore un ravitaillement inopiné dans un des camps clandestins temporaires qui parsemaient certains coins discrets, jouant au Dragon et à la souris avec les patrouilles.

Au bout d'une demi heure d'attente, une intuition étrange commence à te tarauder. Quelques secondes plus tard, des bruits te parviennent au loin.

Une clameur, qui résonne à tes oreilles. Tu la reconnait tout de suite. Ce sont des hurlements.

Admin Messages : 3 Date d'inscription : 02/10/2018

L’obscurité de la cale m’empêche de savoir si le soleil ou la lune trône au milieu du Sorshef. Inconfortable pour mon gabarit, la cache ressemble pendant ces longues minutes d’attente à un tombeau. Le roulis de l’embarcation a toujours tendance à me rendre un peu nauséeux. Les muscles ankylosés, je tends l’oreille lorsque le délai d’attente commence à s’allonger.

A s’allonger bien plus que le temps d’apprendre à compter.

Pris entre les recommandations de Ludmilla et une angoisse rampante, je suis obligé d’exercer un contrôle accrue sur mon corps pour ne pas m’agiter, ce qui ferait immanquablement bouger l’embarcation. De quoi éveiller les soupçons de toute patrouille à laquelle répondrait mon amie gnome.

Attente, encore. Involontairement, mon souffle se raccourcit. La claustrophobie latente à un espace exigüe commence à lentement dévorer mes nerfs. Si je tue depuis quelques jours cette sensation à l’aide d’un sommeil lourd, l’attente crispée ne fait que la faire revenir au galop.

Un cri. Des cris.

Non des hurlements.

Instinctivement, ma main cherche la garde de Justice.

La panique prend son empire sur mes pensées. Je lutte contre l’envie de sortir de ma cache, appelant à la confiance que je dois avoir en la Gnome et son savoir-faire ancestral.

Le vrillement des hurlements finit par vaincre ma raison. Tout en essayant de maîtriser mes gestes, je cherche à ouvrir la cale pour avoir un visu sur la situation de l’embarcation et l’origine des cris.

Admin Messages : 9 Date d'inscription : 02/10/2018

Tu ouvres lentement la trappe de cette cache de fortune, et t'en extirpe avec difficulté pour te retrouver sur le pont. Les cris se font plus proches, plus nombreux, plus réels. Une forte odeur de brûlé.

Un frisson d'angoisse remonte le long de ton dos en même temps que tes souvenirs. C'est Katibe. Encore une fois.

Tu risques tout de même un œil au-dessus du bastingage, et découvres avec effroi, au travers d'un banc de roseaux et d'un épais brouillard, les lueurs d'une aube sanglante traversée d'une fumée aussi noire que la nuit. Des silhouettes indistinctes, courant en tout sens se découpent dans ce village anonyme, cherchant à échapper à leurs bourreaux, qui te semblent instinctivement être des orcs.

Des bruits de pas approchent de ta position, suivis d'un cri plus aigu.

Deux silhouettes déchirent alors le rideau de roseaux : la première est une fillette humaine qui ne doit pas avoir plus de dix printemps. Ses cheveux de blé couverts de sang reflètent l'aube rougeoyante et volent en tout sens tandis qu'elle tente d'échapper à l'ombre immense derrière elle avec la force de la terreur et du désespoir vers le ponton du quai où est amarré votre embarcation.

Son poursuivant lui est un Orc couturé de la tête aux pieds, obèse, énorme et haletant dans une sueur luisante écœurante. Il est vêtu d'un simple pagne et d'une côte de maille noire, et armé d'une hache aux proportions titanesques qu'il tient sans effort dans sa main immense et hideuse.

L'enfant, totalement affolée, finit par trébucher sur un des trous entre les lattes du ponton avec un petit cri d'animal blessé, à quelques mètres seulement de ton embarcation.

Le visage immonde de l'Orc se déforme dans une mimique qui ressemble vaguement à un sourire sadique, dégageant des dents sales et jaunies. Son regard noir fou et sa hache qu'il fait tournoyer en riant ne laissent quant à eux que peu de place à l'expectative sur ce qui va bientôt avoir lieu devant tes yeux.

Ceux de la fillette s'élargissent jusqu'à s'écarquiller dans une expression de frayeur totale. Elle reste là comme un petit lapin, paralysée, et se contente d'observer la mort venir à elle. Un instinct de survie inutile lui fait alors tendre deux mains frêles et ravagées d'entailles vers le monstre, et ses yeux se referment avec force, comme pour repousser un cauchemar.

- "Je vous en supplie, non, pitié !"

Une supplique que tu ne connais que trop bien.

Justice...

Admin Messages : 3 Date d'inscription : 02/10/2018

* Ca recommence * est la seule pensée qui me traverse l’esprit lorsque je découvre le spectacle incendiaire à l’abri derrière le bastingage. Je cherche vainement Ludmilla du regard dans cet apocalyptique jeu d’ombres puis sursaute à l’arrivée de la fillette sur le ponton. L’apparition de son poursuivant, silhouette grotesque, atroce et sauvage, ivre de sa propre haine, a elle un effet galvanisant.

Les mots de la petite fille à l’intention de son bourreau sont une décharge électrique qui me font oublier toute prudence. La main affermit sur la garde de l’épée qui reste mon seul héritage, je bondis hors de l’embarcation et prend pied sur le ponton à moins d’un mètre de la fillette et deux de son poursuivant. Les dents serrées, je siffle :

- Tu ne l’auras pas !

D’un autre bond par-dessus la fillette allongée au sol, je charge en direction de l’Orc, levant Justice pour qu’elle s’abatte de toutes mes forces sur le peau-verte. Tout va si vite que je n’ai pas le temps de cogiter ou d’avoir peur. Un feu intérieur consume toutes mes craintes. Au contraire, cet affrontement est libérateur après les heures passées dans l’espace exigüe de la cale.

Admin Messages : 9 Date d'inscription : 02/10/2018

(Initiative pour toi + Surprise, et tu as l'avantage sur tes attaques)
Bondissant au-dessus de la fillette, la longue lame d'acier de Justice siffle et s'illumine sous les rayons de l'aube rougeoyante, décrivant un arc mortel qui vient frapper la créature en plein torse dans une gerbe de sang. Ses boyaux sortent de son ventre et il tombe à genoux dans un cri de surprise en écho à celui de frayeur de la petite fille.

Mais Justice n'en a pas fini, et tu frappes une nouvelle fois l'Orc déjà éventré avec la force d'un taureau. Ton coup est si terrible qu'il manque de lui trancher la tête, un flot de sang noirâtre giclant en un long jet qui macule ton visage.

La jeune humaine glapit et tu découvres en dessous de tes jambes des mains pleines de sang noir protégeant un visage aux yeux emplis d'une frayeur indicible.

Maintenant que tu es sur le ponton, tu peux distinguer la scène horrible qui se déroule au-dessus des herbes hautes au travers d'un brouillard rougi par les premières lueurs de cette aube sanglante.

La fumée. Le feu. Et les meurtres sauvages.

Le village est en train de brûler. Tu aperçois des villageois courir en tout sens, poursuivis par des troupes orcs. Ont-ils oubliés de payer leur dîme ou est-ce simplement un caprice sadique des Orcs, impossible à dire. Ce qui est en revanche certain c'est que ces pauvres gens sont en train de se faire occire.

Te souvenant des sages paroles de Jacen, tu inspires profondément et te concentres sur ton sort. Une vingtaine d'orcs armés et en armure, sûrement des troupes revenants de la forêt des Elfes, si tu te rappelles des leçons de Gotrok sur les blasons Orcs.

Plus loin, des bruits de chevaux. Tu a appris au fil du temps que ces soldats ramènent souvent des prisonniers pour les utiliser comme esclaves...Ou pire. Et ces chariots sont souvent gardés par d'autres de leurs frères qui s'amusent à les regarder pendant leur "partie de chasse".

Cherchant désespérément à percer le brouillard à la recherche de Ludmilla, tu notes alors sur une potence au milieu de la place une silhouette à moitié nue qui se débat pour sa vie, qui ne tient qu'à un tabouret bien trop précaire.

Mais cette ombre est trop grande pour être Ludmilla.

Ton regard poursuit sa quête frénétique, et tu finis enfin par l'entrapercevoir. A l'autre bout du village. Deux orcs se dirigeant vers le bruit des chevaux tiennent une petite ombre qui hurle en se débattant. Tu es presque sûr que c'est elle.

La voix rocailleuse résonne dans ton esprit, et tu enfouis profondément tes angoisses et ta colère pour cogiter à un plan au milieu des cris et du chaos.

Traverser tout le village risque de t'être fatal. Mais le brouillard n'est pas encore tout à fait levé, ce qui est à ton avantage, même si cela ne va pas durer. Mais les orcs ont tout de même un bon odorat, et s'ils te repèrent et sonnent l'alerte, tu seras seul contre plus de vingt orcs en armes et armures. Et tu as beau penser que tu es un excellent combattant, tu n'es pas certain de pouvoir les vaincre tous sans rejoindre Aryth.

Mais peut-être peux-tu aussi trouver un autre chemin, plus discret, en contournant la place du Village. Le danger viendra de ce que tu trouvera dans ces allées, et le risque de retrouver Ludmilla bien trop tard.

Ton regard sombre est alors attiré par des mouvements sur la petite placette où est située le puit. La silhouette sur sa potence, le cou noué d'une corde fait des signes. Plissant le regard, il te semble étrangement que c'est à toi que ces gestes s'adressent, demandant sûrement de l'aide...Tu te demandes quelques instants comment le libérer, avant de tracer un chemin qui pourrait fonctionner, si tu ne rencontre aucun Orc sur le chemin.

Dans le tumulte de cette scène sanglante, tes pensées sont arrêtées par un glapissement suivi de pleurs et de hurlements qui te ramènent sur le ponton à des considérations plus terre à terre :
- Maman...MAMAAAN !

Parmi tous ces questionnements qui s'entrechoquent dans ta tête, une chose demeure certaine en cet instant : si cette fillette continue de hurler, tous les orcs à proximité vont l'entendre...

1 - Un arrêt innatendu, à la croisée des Destins...

"Voyager, c'est partir à la découverte de l'inconnu. Et le premier inconnu à croiser nos pas, c'est souvent nous-même."- Proverbe Sarcosien

"Voyager, c'est partir à la découverte de l'inconnu. Et le premier inconnu à croiser nos pas, c'est souvent nous-même."
- Proverbe Sarcosien